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La ronde médiatique après le second tour

Par l’équipe du film


Après avoir soutenu Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn puis François Hollande, les responsables de l’information peuvent crier victoire. Grâce à eux, l’aile droite du PS l’a emporté. La droite est toujours au pouvoir.

Le «  casting  » ministériel est là pour en témoigner : le nouveau ministre de l’Intérieur, Manuel Valls, est très proche de l’ex «  Monsieur Sécurité  » de Nicolas Sarkozy, Alain Bauer [1]. Valls s’est longtemps présenté comme un socialiste «  blairiste  », un adepte de la politique néolibérale menée par l’ex-Premier ministre britannique Anthony Blair entre 1997 et 2007.

«  Blairiste  », c’est le même qualificatif qu’employait en 2006 l’ambassade des USA en France pour décrire Ségolène Royal, ainsi que l’ont révélé les télégrammes dévoilés par WikiLeaks (Cités dans «  Les rapports secrets du département d’état américain  », hors-série Le Monde, mars  2011).

L’un des amis intimes de François Hollande n’est autre que Jean-Pierre Jouyet, ex-secrétaire d’État du gouvernement Fillon-Sarkozy, nommé par ce dernier à la tête de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Encore un homme de droite. Quant au nouveau ministre de l’économie, des finances et du commerce extérieur, Pierre Moscovici, il est le digne héritier des réseaux patronaux mis en place par Dominique Strauss-Kahn. Moscovici est en effet le vice-président du lobby «  Le Cercle de l’Industrie  », une amicale de 33 multinationales créée par DSK en 1993 lorsqu’il quitta le ministère de l’Industrie et dont les membres (Total, L’Oréal, Vivendi, Lafarge, France Télécom, Air Liquide, Areva, EDF, etc.) totalisent un chiffre d’affaires de plus de 800 milliards d’euros.

Que dire de Jean-Yves Le Drian, président de la région Bretagne, ami personnel de Vincent Bolloré et auteur de la réforme portuaire en 1992 – laquelle réduit de moitié l’effectif des dockers en France ? Il est désormais ministre de la Défense. Ou de Laurent Fabius, incarnation du virage libéral du PS en 1984, l’année où il prit les reines de Matignon ? Lui qui avait été félicité par l’ultralibéral Alain Madelin en 1999 où, à peine nommé, il exauça le rêve de ses parents antiquaires : abaisser la tranche maximale de l’impôt sur le revenu. Laurent Fabius représente désormais la France dans le monde !

Le soir de la victoire de François Hollande, dans la tente VIP installée par le PS, place de la Bastille, «  il n’y avait pas seulement les ministrables Aurélie Filippetti ou Arnaud Montebourg qui dansaient, déchaînés, pour dire leur joie. Il y avait aussi des journalistes, comme Karl Zéro, et surtout Nicolas Demorand, le directeur de la rédaction de Libération, qui claquait des bises et fêtait sans retenue la victoire de son champion  », raconte Le Monde [2].

Quoi de plus normal que le chargé de propagande de l’aile droite du PS célèbre la victoire de son «  champion  », François Hollande ? N’est-ce pas lui qui a offert la «  Une  » de son journal à Hollande dès l’ouverture de la campagne officielle, le 3 janvier 2012 (ce qu’il n’a fait avec aucun autre candidat, contrairement à ce qu’il avait promis le jour nous l’avons questionné à ce sujet).

Hormis l’intermède 1981-1982, voilà donc plus de 40 ans que la droite est au pouvoir en France, et ce grâce à l’appui des «  grands  » médias. C’est cette même presse, notamment Libération, Le Nouvel observateur, Le Monde (mais aussi Le Figaro, l’Express, Le Point, Marianne, toutes les radios et les télés nationales) qui a décerné le label «  de gauche  » à l’aile droite du PS. Or, tout comme l’étiquette «  bio  » AB, ce label est de moins en moins un gage d’authenticité. Lorsque le premier ministre socialiste Lionel Jospin était au pouvoir (et François Hollande 1er secrétaire du PS), les prélèvements obligatoires ont… baissé de 0,9 % en France. La seule fois où les impôts ont baissé en 38 ans (depuis 1974), c’est sous un gouvernement de «  gauche  » !

L’information est parue dans le journal économique Les Échos entre les deux tours de l’élection présidentielle. Ces mêmes Échos qui ont rappelé que le gouvernement Jospin avait été plus loin en terme de privatisations que les gouvernements (de droite) d’Édouard Balladur (1993-1995) et d’Alain Juppé (1995-1997) réunis. Air France, les Caisses d’Épargne, l’Aérospatiale (devenu par la suite EADS), France Télécom… Lionel Jospin et son ministre de l’économie Dominique Strauss-Kahn n’y sont pas allés de main morte en matière de désengagement de l’État dans les entreprises publiques.

DSK : lui aussi, les médias ont tenté de nous le présenter comme un «  homme de gauche  » lors de la dernière Présidentielle. C’est à chaque fois la même histoire : des organes de presse qui ne se rappellent de rien, qui oublient tout, qui sont d’autant plus amnésiques qu’ils servent le pouvoir en place : hier Sarkozy, aujourd’hui Hollande. C’est aussi ce qui permet à ces hommes de pouvoir à raconter ce qu’ils veulent, sans courir le risque d’être contredits. En octobre 2011, interviewé au Palais de l’Élysée par Jean-Pierre Pernault et Yves Calvi, Nicolas Sarkozy avait ainsi pu affirmer : «  Vous avez oublié que tous les candidats du système […] ont été battus. Tous.  » Sous-entendu : Nicolas Sarkozy n’était pas un des «  candidats du système  » lorsqu’il a gagné la Présidentielle de 2007. C’est évidemment une contre-vérité : Sarkozy était le favori de la plupart des médias à l’époque où il occupait le poste de ministre de l’Intérieur puis de l’Économie et des Finances. Ni Calvi ni Pernault n’ont tenu à le lui rappeler. Ils ont volontairement laissé passer cette énormité. Le lui faire remarquer, c’eut été, pour eux, reconnaître qu’ils avaient participé à la machine de propagande pro-Sarkozy entre 2002 et 2007 ; bref, admettre qu’ils n’exercent pas un rôle de contre-pouvoir mais plutôt d’affidé du pouvoir.


[1Alain Bauer est le parrain du deuxième fils du nouveau «  premier flic de France  ».

[2«  Billets d’humeur  », Le Monde, 18 mai 2012. Un article dans lequel on apprend également que Pierre Bergé, co-actionnaire du journal et président du conseil de surveillance du Monde SA et de la SEM (Société Éditrice du Monde) était à l’Élysée le mardi 15 mai pour l’intronisation de François Hollande.